Qu’est-ce qu’un DCP et pourquoi on en parle à Saint-Gilles les Bains ?
Si vous aimez le poisson frais, les tartares de thon et les carpaccios de marlin, vous avez forcément déjà entendu parler de Saint-Gilles les Bains, à La Réunion. C’est un petit paradis pour les amateurs de pêche… mais aussi un terrain de jeu pour une technique dont on parle de plus en plus : les DCP.
Derrière ce sigle un peu barbare se cache le Dispositif de Concentration de Poissons. En gros, ce sont des structures (fixes ou dérivantes) installées en mer pour attirer les poissons pélagiques comme le thon, le mahi-mahi (ou dorade coryphène) ou encore les bonites.
Pourquoi ça marche ? Parce que de nombreux poissons aiment se rassembler autour d’objets flottants : cela leur sert de repère, de refuge, et attire tout un petit écosystème (plancton, petits poissons, etc.). Les DCP reproduisent ce phénomène, mais de manière artificielle.
À Saint-Gilles les Bains, ces DCP sont utilisés à la fois par les pêcheurs professionnels et les pêcheurs plaisanciers. Résultat : des glacières bien remplies, des étals de poisson généreux… mais aussi des questions importantes sur l’impact sur la mer et sur ce que nous mettons dans nos assiettes.
Comment fonctionne un DCP en pratique ?
Un DCP, ce n’est pas juste une bouée qui flotte au hasard. C’est un système assez bien pensé :
Autour de cette structure, la vie s’organise. Les petits poissons viennent se mettre à l’abri, les moyens viennent manger les petits, et les gros prédateurs (ceux qui terminent souvent en sashimi) tournent autour. Pour les pêcheurs, c’est un peu l’équivalent d’un bon marché de producteurs locaux : tout le monde est rassemblé au même endroit.
Au large de Saint-Gilles les Bains, plusieurs DCP sont installés à des distances variables des côtes. Les pêcheurs sortent souvent très tôt, repèrent le DCP, puis tournent autour en guettant les bancs de poissons sur le sondeur. Une fois le banc trouvé, les lignes sont mises à l’eau (ou les leurres traînés), et la partie commence.
Les avantages du DCP pour la pêche locale
On peut avoir tendance à diaboliser tout ce qui est « technique » en mer, mais les DCP ont aussi des bénéfices, surtout dans une zone comme La Réunion où le poisson occupe une place importante dans l’alimentation.
Pour les pêcheurs de Saint-Gilles les Bains, les DCP permettent notamment :
Et pour nous, côté assiette, ça veut dire quoi ?
Sur le papier, cela semble donc être une bonne nouvelle. Mais comme souvent avec la mer, le diable se cache dans les détails.
DCP dérivants, DCP ancrés : une nuance qui change tout
Il existe deux grandes familles de DCP :
À Saint-Gilles les Bains, on parle surtout des DCP ancrés, utilisés par des pêcheurs artisans. L’impact n’est pas du tout le même que celui des grands DCP dérivants associés à des navires-usines qui pêchent des tonnes de thon en un coup de filet.
Pourquoi c’est important ? Parce que lorsque vous achetez votre thon sur le port de Saint-Gilles, vous n’avez pas affaire aux mêmes méthodes que pour du thon en boîte pêché au large par des flottes industrielles. La technique peut s’appeler pareil, mais l’échelle et les conséquences changent complètement.
Les limites et risques liés aux DCP
Tout n’est pas rose pour autant. Les DCP, même artisanaux, posent plusieurs questions écologiques.
1. Une pression accrue sur certaines espèces
En concentrant les poissons, on les rend plus faciles à capturer. Si la pêche n’est pas bien encadrée, on peut :
Sur des espèces comme le thon albacore ou le listao, déjà fortement exploitées dans tout l’océan Indien, chaque capture compte.
2. Les prises accessoires
Autour des DCP, il n’y a pas que des poissons « nobles ». On peut aussi avoir :
À Saint-Gilles, la pêche à la ligne limite beaucoup ces prises accessoires par rapport à la pêche à la senne industrielle, mais le risque n’est pas nul, surtout si l’effort de pêche augmente.
3. La pollution quand les DCP se perdent
Un DCP, c’est aussi du plastique, des câbles, des flotteurs… Quand il se rompt ou se détache, il devient un déchet marin qui peut :
Sur une île comme La Réunion, où le littoral est précieux, ce n’est pas anodin.
Saint-Gilles les Bains : entre pêche, tourisme et responsabilité
Saint-Gilles les Bains n’est pas seulement un port de pêche : c’est aussi une station balnéaire très touristique, avec des plongeurs, des surfeurs, des familles venues profiter de la plage et du lagon.
Cette cohabitation impose quelques questions :
Les DCP peuvent être un outil intéressant dans cette équation, à condition d’être :
À La Réunion, plusieurs initiatives locales, associatives et scientifiques, travaillent justement sur ces questions : suivi des stocks, sensibilisation des pêcheurs, implication des restaurateurs… La solution ne passera pas par un « pour ou contre » tranché, mais par un usage raisonné.
Et dans nos assiettes : que change le DCP ?
Lorsque vous achetez votre poisson à Saint-Gilles les Bains, ou que vous dégustez un tartare dans un restaurant de la côte ouest, vous faites partie de cette chaîne. Loin d’être anecdotique, votre choix de poisson a un impact direct sur :
Sans transformer vos courses en casse-tête, quelques réflexes simples peuvent aider :
Les DCP permettent d’avoir du poisson pélagique plus régulièrement, mais cela ne doit pas nous faire oublier que la ressource reste limitée. Mieux vaut un bon filet de thon de temps en temps, bien valorisé en cuisine, que du thon à chaque repas, pêché sans réflexion.
Petite parenthèse cuisine : sublimer un poisson pêché au DCP
Parlons concret et gourmand. Imaginons que vous reveniez du marché de Saint-Gilles avec un beau morceau de thon pêché au large, probablement autour d’un DCP. Comment le cuisiner en respectant le produit… et sans tout noyer sous la marinade ?
En tartare
Coupé en petits dés, mélangé au dernier moment, c’est la meilleure façon de sentir la texture ferme et délicate de la chair.
En pavé juste snacké
Une minute ou deux de chaque côté, pas plus : l’extérieur doit être doré, l’intérieur encore rosé. Servi avec une purée de patate douce et une salade croquante, c’est un plat complet, simple et équilibré.
Dans les deux cas, l’idée est la même : si on apprécie vraiment le poisson pour sa saveur et sa texture, on en consomme souvent moins, mais mieux.
Comment savoir si un poisson vient de la pêche locale à Saint-Gilles ?
Ce n’est pas toujours indiqué noir sur blanc, mais quelques astuces peuvent vous aider :
Petit bonus : en discutant avec les pêcheurs ou les restaurateurs, vous aurez parfois des indications sur les DCP, les conditions en mer, les espèces du moment. De quoi mieux comprendre le chemin parcouru par le poisson jusqu’à votre assiette.
Vers une pêche au DCP plus responsable à Saint-Gilles les Bains
La vraie question n’est pas « Faut-il interdire les DCP ? », mais plutôt : comment les utiliser intelligemment pour :
Quelques pistes déjà discutées ou mises en place dans certaines régions peuvent inspirer Saint-Gilles les Bains et l’ensemble de La Réunion :
En tant que consommateurs, notre rôle n’est pas de rédiger ces règles, mais nous pouvons les encourager en :
La prochaine fois que vous dégusterez un morceau de thon à Saint-Gilles les Bains, vous penserez peut-être à ces bouées au large, à ces lignes qui descendent dans le bleu, à ces bancs qui tournent autour… et à toute la chaîne humaine qui se cache derrière un simple pavé dans l’assiette.
C’est peut-être là le plus important : recréer le lien entre l’océan, la pêche et la cuisine. Comprendre ce que sont les DCP, ce qu’ils apportent et ce qu’ils bousculent, c’est déjà un premier pas vers une gastronomie marine plus lucide, mais toujours aussi gourmande.
